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TNT du 27 septembre au 6 octobre 2006

Vêtir ceux qui sont nus

De Luigi Pirandello
Mise en scène Stéphane Braunschweig

 

 

Une jeune femme rate son suicide, mais séduit les journaux par le récit de ses malheurs. Cette notoriété inattendue attire à elle un écrivain en mal de romanesque. À peine Ersilia a-t-elle le temps d’assister à sa transformation en icône médiatique et en héroïne littéraire qu’elle est prise au piège de ses propres mensonges : les protagonistes de son passé viennent contester le personnage que tous voient désormais en elle… Comme souvent chez Pirandello, un abîme de culpabilité est à la racine des événements, mais cet abîme insondable ne livre aucune vérité malgré l’acharnement des personnages à fouiller leurs plaies.

Ecrite en 1922 par Pirandello alors au sommet de sa gloire, Vêtir ceux qui sont nus emprunte son titre à la troisième des sept "œuvres de miséricorde" que l’Eglise catholique soumet à la charité de ses fidèles. Moins connue en France que Six personnages en quête d’auteur ou Les Géants de la montagne, cette pièce au suspense digne d’un film d’Hitchcock est une troublante variation sur l’un des thèmes chers au dramaturge italien : qu’en est-il d’une réalité diffractée et changeante ? Sur fond de manipulation d’un fait divers, il explore ici les vertiges du mensonge et fustige les pièges de la compassion.

Avec cette œuvre qui questionne la nudité de la vie sous le voile des histoires que chacun se raconte, Stéphane Braunschweig aborde pour la première fois le théâtre de Luigi Pirandello. Dans une traduction nouvelle de Ginette Henry, le jeune directeur du théâtre national de Strasbourg s’empare de la pièce comme d’un miroir, reflétant impitoyablement les travers de notre monde et renvoyant le spectateur à ses propres contradictions : « Dans Vêtir ceux qui sont nus, Pirandello apporte un éclairage prémonitoire sur ces processus de victimisation tels que nous les connaissons aujourd’hui dans notre fameuse société du spectacle parvenue au stade de la "télé-réalité". En "humoriste" qui a sans doute bien lu Ibsen, il scrute le chaos intime des êtres… Il sonde et avive notre regard de spectateur – qui aime s’embuer du malheur des autres ou percer leur secret – avec l’intention délibérée de ne pas le satisfaire : quand l’art se fixe l’ambition de laisser la vie surgir dans ce qu’elle a d’informe et d’irréductible, c’est le spectateur qui est nu. »