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TNT du 16 au 24 novembre 2007

Le Journal de Grosse Patate

de Dominique Richard

Mis en scène Jean-Jacques Mateu

 

 

Une petite fille de 10 ans surnommée Grosse Patate mange tout le temps, surtout quand elle est triste. Quand elle ne mange pas, elle rêve, et chaque jour elle écrit son journal intime. Il se passe tellement de choses pendant toute une année scolaire ! La classe, les vacances, la cour de récré… Il y a Hubert, le footeux de l’école qui lui plaît, Rose-Marie qui est si timide, mais qui pourrait peut-être parler et Rémi, le souffre-douleur qui aurait une ombre de fille !
Et puis, il y a cet homme en noir qui lui rend visite fréquemment. C’est lui qui raconte les rêves de Miam-Miam, de Crème Chantilly ou ceux de la Terreur des Cantines. Ses rêves à elle.
Dominique Richard a écrit à la première personne le journal de cette petite fille pleine de caractère. Dans une langue drôle et inventive, il nous livre une année de joyeuses découvertes et de grandes déceptions. Une année d’amitié et de désillusions. Une année de questions en attente de réponses, sur soi, sur l’autre, sur la vie.
Un carnet de bord d’apprentissage de la vie et du monde pour interroger avec humour et délicatesse l’identité propre de l’enfance.


Entretien avec Jean-Jacques Mateu

Pouvez-vous me décrire votre travail avec la compagnie Petit Bois ?

Quand j’étais comédien, on me faisait jouer Molière ou Marivaux. Ce n’est pas immédiatement en prise avec le temps. J’ai commencé la mise en scène pour traiter du monde d’aujourd’hui. Dans notre répertoire, il y a surtout des pièces du XXe siècle. Ce sont toujours des histoires personnelles sur fond de conflit ou d’époque en crise comme dans La Foi l’Amour l’Espérance d’Ödön von Horváth, Le Suicidé de Nikolaï Erdman, ou Tonkin-Alger d’Eugène Durif… Ce qui m’intéresse, c’est le rapport entre l’individu et le collectif, l’intime et le politique ; comment l’homme se débrouille pour concilier son individualité dans le groupe. Je travaille beaucoup avec des musiciens sur le plateau, et je parle souvent aux acteurs en termes musicaux. Des notions comme la nuance, le rythme, la hauteur, leur donnent une matière première de travail et la possibilité de se dégager d’une inspiration uniquement réflexive sur le personnage. Je demande aussi aux acteurs de travailler dans le but de représenter une figure ou un trait, et non un être entier, un personnage intégral.

Comment avez-vous découvert Le Journal de Grosse Patate ?

En cherchant et en lisant des textes pour la jeunesse, avec la comédienne Bilbo. Ce texte nous a plu : il était drôle et nous parlait de l’enfance, de notre enfance. Nous avons tout de suite senti que la pièce était d’actualité et qu’elle contenait de vraies possibilités de jeu. Dominique Richard confronte toujours
ses personnages aux premières fois, aux premières perceptions. C’est le temps de la préadolescence : c’est la première fois qu’on est amoureux ou qu’on comprend des choses graves. Grosse Patate est une petite fille très franche, pas très tendre avec ses
copains d’école (elle adore donner des baffes à Rémi), et très lucide. Elle constate qu’on veut tous être quelqu’un d’autre, être autre part… Grosse Patate est à l’âge où on découvre qu’on n’est pas bien dans ses baskets, pas bien dans sa peau, dans son monde, dans sa famille. C’est l’âge où l’on nomme pour la première fois son désir d’être quelqu’un. Quand on est tout petit, on ne sait pas très bien ce que c’est de grandir. Mais il y un âge où, justement, on se rend compte qu’on va devenir adulte.
Grosse Patate est très franche parce qu’elle parle à son journal. Elle ne dit pas à Rémi qu’elle adore lui donner des baffes ! Elle le dit à son carnet.

Les autres personnages, l’homme en noir et Hubert, Rosemarie, Rémi,
dont elle parle dans son carnet, seront-ils sur scène?


Nous avons invité des enfants aux premières répétitions et nous avons vu qu’ils avaient tous dans leur entourage leur Rosemarie, leur Rémi, leur Hubert. Les représenter, même par bribes, aurait fermé une porte à l’imaginaire des spectateurs. Finalement, ils s’attachent autant aux autres personnages qu’à Grosse Patate. Quant à l’homme en noir, le personnage de la nuit, de l’obscur, et de l’inconscient, il apparaît quand elle dort. Il est toujours debout, comme
flottant dans un espace différent. Grosse Patate, elle, est bien posée dans sa chambre, avec ses chips et ses chamallows.

Elle porte un masque ?

Le visage et le corps de la comédienne sont masqués, transformés en enfant. Ce ne sont pas ses vraies épaules, ni ses vraies joues, car il ne me semblait pas possible d’utiliser naturellement le physique de la comédienne. Il fallait bâtir une image plus burlesque, un peu comme si on avait dessiné le personnage dans une bande dessinée. Il fallait des couleurs vives et un dessin avec des traits épais, comme ceux d’une marionnette. Nous avons voulu un masque qui ne recouvre que les joues, le nez et la lèvre supérieure. Pour l’acteur, le
masque permet plus d’expressivité corporelle. Cela ne doit en aucun cas diminuer la sincérité ou l’émotion, car il ne faut pas oublier que Grosse Patate est à la fois une petite catcheuse et une grande chialeuse.

Propos recueillis par Adèle Dervaux