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Théâtre du Pavé du 20 novembre au 1er décembre 2007

La douleur

De Marguerite Duras

Mise en scène : Francis Azéma

Compagnie Les vagabonds

Avec Sylvie Maury

 

 

Selon ses déclarations, Marguerite Duras publie en 1985 ce journal tenu pendant la capture et l’attente du retour, à la libération, de Robert Antelme, déporté pour raison politique. Impossible de connaître la vérité, de juger si Marguerite Duras dit vrai, si elle a oui ou non perdu puis retrouvé ce manuscrit ou si elle ne l’a écrit que plus tard. Quoiqu’il en soit, l’histoire, elle, est vraie.
L’intérêt majeur de ce texte, hormis sa beauté et l’émotion intense qui s’en dégage, est celui du témoignage. Marguerite Duras a accordé une place importante au témoignage toute sa vie, et sans doute que cette période vécue est pour beaucoup dans ce choix.
Celui-ci est le plus violent, le plus douloureux, le plus important qu’elle ait pu faire. Nous sommes là, à la lecture, nous sommes là à attendre avec elle, au jour le jour, le retour probable ou non de Robert L.
 

“La Douleur est un récit autobiographique.
Marguerite Duras décrit l’attente interminable du retour de Robert L. son mari, déporté à Dachau. L’auteur ignore en cet avril 45, printemps de la Libération, s’il est toujours vivant.
Errante dans une ville assommée, courant de bureau en bureau, maudissant son téléphone, ne mangeant plus, ne dormant plus, elle attend, elle guette, elle cherche le moindre signe d’espoir.
Sylvie Maury, dont on connaît la sensibilité rare, donnera voix et corps à ce texte. Seule en scène, sans texte à la main, elle descendra dans la Douleur avec pour seul appui : la retenue, le refus de la sensiblerie, la dignité et la pudeur.
Il faudrait donner ce texte dans sa force, sans laisser d’espace au “théâtre”, à l’effet, au truc...
Difficulté pour la comédienne de parvenir, comme souvent dans l’oeuvre de Duras, à tenir sans craquer, sans s’effondrer, sans tomber.
Mourant de soif devant un verre d’eau, ne pas le boire... si possible.
Parler, parler, tout dire, même l’inutile et le détail stupide. Évacuer sa souffrance par un récit précis et bref. Faire des phrases courtes. Raconter. Faire semblant, s’il le faut, de prendre du recul, de la distance avec l’horreur,
avec la mort et le dégoût.
Dire La Douleur c’est aussi témoigner de la folie des hommes. Ne pas juger tout de suite. Ne pas aller trop vite dans la réaction. Laisser la haine passer sur soi comme le vent mauvais et si l’on tient le coup, être plus fort après, plus apaisé peut-être.
Dire La Douleur c’est une façon de faire taire en soi la colère et la rage.
Mais ne pas oublier.
“... Le citron coule goutte à goutte dans notre gorge, il arrive sur notre faim et nous en fait mesurer la profondeur, la force. [...] Regarde les citrons de la plaine de Carrare comme ils sont énormes, ils ont la peau épaisse qui les garde frais sous le soleil, ils ont le jus comme les oranges, mais ils ont le goût sévère.”
 

Francis Azéma