Théâtre du Pavé du 9 mars au 22 avril 2006

Don Juan ou « Le festin de Pierre »

Molière

Mise en scène Jean-Pierre Beauredon

Cie Beaudrain de Paroi

 

Comme tous les chefs-d'oeuvre, le Dom Juan de Molière nous vient de l’avenir.”
Hölderlin

 

"Son histoire relève du mythe. Et bien, cassons-le. Les mythes sont fait pour être brûlés, recomposés, livrés à des imaginaires dénudés ; gratter les couches de fard accumulées, faire exploser les poses et les clichés. Cette fois encore Molière improvise. Il prend son parti de n’avoir pas le temps qu’il lui faudrait. Non par insouciance, mais par courage, et avec quelle hardiesse ! Car ce n’est plus un léger divertissement qu’il s’agit de mettre sur pied en n’y touchant que du bout des doigts, ni quelques brefs dialogues de polémique où la verve emporte tout. Il attaque la matière la plus résistante, le sujet le plus dangereux qui lui soient venus sous la main. Le disparate des matériaux, la rudesse de la construction et de son équilibre, ses ruptures de plans, l’achèvement magistral de certaines parties avec le mépris de l’unité totale, donnent à la pièce un modelage particulier faisant penser à une œuvre architecturale contemporaine. Un travail brusque suffirait à rendre compte de cette étrangeté de structure. Mais nous pouvons nous demander si Molière n’a pas voulu tant de contrastes brutaux, tant de secousses données à l’esprit du spectateur pour faire passer les hardiesses que le réalisme du Tartuffe rendait peut-être intolérables. De tout le répertoire classique, c’est l’œuvre la plus neuve et la plus "saturée" non seulement par le nombre de mises en scène qui ont suivi mais aussi par le formidable appareil de références qui c’est constitué autour du personnage. Malgré des décennies d’exégèses et d’ordonnancements culturels, ce Dom Juan version Beauredon versera dans un savant mélange de l’athée pré-sadien vieillissant, décadent, un monde construit sur le mensonge avec un zeste d’innocence “éternel” de l’homme revenu de tout, avec la mort comme seule compagne."

Jean-Pierre Beauredon