TNT du 27 janvier au 4 février 2006

Hanjo

de Yukio Mishima

Mise en scène de Julie Brochen

 

Le Nô est un genre théâtral japonais, mimé, dansé et chanté, avec chœur et instruments, qui obéit à des règles très codifiées. Grand admirateur de la culture ancestrale de son pays, le poète japonais Yukio Mishima écrivit en 1956 Cinq Nô modernes. Empruntant titres et sujets à des nô traditionnels, il composa cinq courtes pièces, situées dans des décors et des costumes contemporains. Si différentes soient-elles des antiques saynètes, elles en retrouvent l’élégance et la simplicité poétiques.

«Hanjo, écrit Marguerite Yourcenar, traductrice de ces nô, est le plus simple des Cinq Nô modernes et le Nô ancien dont il s’inspire est plus simple encore. Deux amants ont échangé leurs éventails et des promesses de mariage, et la beauté de l’ancienne petite pièce tient tout entière à la mélancolique poésie des plaintes de l’amante quittée et qui se croit oubliée à jamais. L’ami et l’amie toutefois se rejoignent et échangent désormais des vœux définitifs.

Le Nô moderne est plus amer. La geisha qu’aime et protège une femme peintre se rend chaque jour, depuis de longs mois, dans la salle d’attente d’une gare de Tokyo, son éventail ouvert à la main, inspectant les voyageurs, espérant reconnaître son inconstant amant et s’en faire reconnaître à son tour. […] L’amant infidèle, toutefois, reparaît.

Mais celle-ci ne le reconnaît pas. Au cours d’une brève scène d’une cruauté peut-être inégalable, l’ancienne geisha repousse cet homme qui ne ressemble pas au souvenir qu’elle s’est peu à peu créé de lui. L’échange d’éventails est comme s’il n’avait jamais eu lieu: “Mon éventail?... Votre éventail?... Vous cherchez un éventail?” La folle va se remettre, par habitude, à attendre l’homme dont elle vient elle-même de nier l’existence.»

«Le Nô, écrit cette fois Julie Brochen, est une mise à distance et une perte de repère pour les occidentaux que nous sommes, mais il est relié à nous. » C’est ce lien qu’elle interroge à travers Hanjo, fabuleuse histoire d’amour, «qui se déploie dans l’effroi du vide, du manque et de l’absence». La jeune directrice du Théâtre de l’Aquarium, dont le TNT accueillit en 2003 la très belle mise en scène d’Oncle Vania de Tchekhov, a choisi ce texte comme on suit un chemin, devenu avec le temps une «certitude obsédante», un passage nécessaire: «Tout m’[y] semble proche et lointain, étranger et familier, comme toute expérience intime, qui vous déplace, toute.»