TNT du 14 au 18 décembre 2005

Ma famille

Carlos Liscano / Mise en scène: Michel Didym

 

«Toucher à ce qui constitue la famille, c’est se plonger dans l’irrationnel, dans ce que la société considère comme presque sacré», écrit Carlos Liscano. Et s’il est vrai que les histoires de famille ont souvent des causes et des effets bien mystérieux, celle que l’auteur uruguayen imagine a, apparemment, tout du pire cauchemar, parfait cas de folie ou de cruauté avancée. Pourtant, pour ce fils qui nous raconte son histoire, tout va pour le mieux. Les enfants savent tous qu’ils vont être, un jour ou l’autre, amenés au marché pour être vendus, en espérant bien être rachetés par leurs parents à l’occasion du banquet familial régulièrement organisé. Parce que dans ce monde là, on vend des enfants comme on respire, pour survivre. Vendre son fils pour manger c’est monnaie courante, voire même se vendre soi, pour échapper à la monotonie du quotidien et changer de vie.

L’ironie flirte avec la démence, l’humour avec la dénonciation: Carlos Liscano passe avec une aisance troublante d’un sentiment à l’autre. Né en 1949 en Uruguay, il vit aujourd’hui entre Montevideo et Barcelone. C’est en prison où il a passé 13 ans pendant la dictature qu’il a commencé à écrire. Depuis, il poursuit une carrière d’auteur dans son pays, mais aussi en France, en Italie, en Suède et en Espagne. En 1996, il reçoit le prix du théâtre de la Ville de Montevideo pour Ma famille: «Je voudrais dire maintenant, en peu de mots et avec beaucoup de modestie, que c’est en prison que je suis devenu un adulte. Et aussi un écrivain. Et je sens que ce voyage aux limites de la langue est ancré au plus profond et au plus intime de tout ce que j’ai écrit. En prison. Et après.»

Séduit par la vivacité de l’écriture qui parvient «à mêler avec une extraordinaire modernité l’absurde au réalisme et la naïveté à la rage», le metteur en scène Michel Didym trouve dans cette œuvre matière à un théâtre qui appelle le mélange, la polyphonie, les mouvements ludiques et inventifs. Quatre comédiens et un pianiste mènent la danse absurde qui se joue, où l’on se sépare pour mieux se retrouver. Une fable étrangère à la morale, amusée et percutante.

Les enfants savent tous qu’ils vont être, un jour ou l’autre, amenés au marché pour être vendus, en espérant bien être rachetés par leurs parents à l’occasion du banquet familial régulièrement organisé.