TNT du 6 au 10 décembre 2005

La Visite de la vieille dame

Friedrich DURRENMATT / Mise en scène Omar PORRAS

 

La célèbre et richissime Clara Zahanassian revient dans son village natal après de longues années d’absence. Elle est attendue comme le Messie. Les habitants de Güllen, mystérieusement ruinés, comptent sur sa pitié et sa générosité: quelques millions pour relancer des affaires, ce n’est pas beaucoup demander. Mais la vieille dame, elle, est revenue pour se venger. Des insultes sous lesquelles elle est partie, âgée de 17 ans, le ventre rebondi; de la trahison de son grand amour de jeunesse; de ses premières années de prostitution. Certes la chance a tourné: depuis elle a fait de riches mariages et acheté, en secret, les usines du village – qu’elle a volontairement mises en faillite. Mais sa vengeance n’est pas encore assouvie. Elle propose donc un marché aux habitants de la commune: «Je vous donne cent milliards, et pour ce prix je m’achète la justice». Cent milliards contre la tête d’Alfred, son ancien amant. D’abord horrifiés, heurtés dans leur philanthropie, les citoyens cèdent progressivement à la tentation de la prospérité.

Après le rituel flamboyant des Noces de sang de García Lorca et un facétieux Ay! QuiXote d’après Cervantes, le metteur en scène d’origine colombienne, Omar Porras, revient au TNT avec La Visite de la vieille dame. Cette farce cruelle écrite en 1956 par Friedrich Dürrenmatt sur le mensonge et la cupidité est devenue le spectacle de référence du Teatro Malandro, présenté pour la première fois en France en 1993. L’univers grotesque du Malandro résonne en effet parfaitement avec la pièce de l’écrivain suisse allemand. Ses lignes baroques et merveilleuses saisissent toute la sarcastique férocité qui s’y cache. De cette comédie de mœurs, Omar Porras propose une version carnavalesque, macabre, grinçante. Masqués et costumés avec extravagance, dans les jours et contre-jours d’un univers inquiétant, les comédiens créent des personnages tendres ou cruels, évoquant les contes de fée. Omar Porras interprète la vieille dame. Et sous les voiles et les prothèses, il laisse apparaître une silhouette vulnérable et troublante, celle d’une petite fille perdue, d’une innocence bafouée.