Théâtre Sorano du 9 au 15 décembre 2005

Peer Gynt

Henrik IBSEN / mise en scène Didier CARETTE

 

Il avait inauguré le Sorano "nouvelle version" en novembre 2003, le revoilà. Le quitter ? Impossible, nous l'aimons trop fort. Frisson étrange et délicieux de voir un personnage de fiction passer le miroir, poser un orteil puis carrément le pied dans la réalité. Pas étonnant : où trouver tant de vie déchaînée ? Insolent, torrentiel, Peer Gynt revient, pour la troisième fois.

Peer Gynt est jeune, solide, hâbleur, coureur, buveur, bagarreur, fainéant et menteur. Un mauvais garçon en quelque sorte, qui préfère les noces de village aux travaux de la ferme et s'abreuve sans limites aux chimères de l'enfance. Bourré d'énergie, bouillant d'imagination, il y croit tant lui-même qu'il leur donne vie, là, sous nos yeux. Il nous saisit et nous emporte à califourchon sur ses rêves. Nous voilà, ivres avec lui, parcourant la vie et le vaste monde comme un livre d'images, avec l'émotion et la tendresse puisées à la source de nos propres songes. Sur scène, l'eau ruisselle de la terre et du ciel, la flamme des bougies vacille, les Trolls sortent de terre dans la lumière bleue de la forêt profonde, la tempête fait rage et gonfle les voiles, le navire quitte le port...

Prenant la pièce d’Ibsen à bras le corps, le metteur en scène fait du théâtre en cinémascope. Avec trois bouts de ficelle et une invention, une poésie comme on en voit trop peu souvent, il rend enfin « lisible » cette interrogation qui le taraude depuis toujours : où finit le réel, où commencent le rêve et l’imaginaire ? Son spectacle, un diptyque violemment contrasté, se clôt sur un final saisissant où il semble nous dire qu’on meurt toujours de son enfance et de ses chimères. Qui ne sont jamais fondamentalement perdues. Il y a dans ce travail une maîtrise, une tenue, une émotion, une beauté tout à fait remarquables.