Théâtre Garonne du 7 au 19 novembre 2005

Coda

mise en scène et scénographie François Tanguy

Théâtre du Radeau


"Une seule (petite) recommandation pour qui va entrer dans l’espace du Radeau. Ici le théâtre ne représente pas le monde, ni même la ville immense. Qui viendra dans un esprit de reconnaissance ressortira perdu, désorienté, voire blessé par ce qui ne lui sera pas arrivé. Car c’est bien l’enjeu passé avec ceux du Radeau. "On
ne raconte pas ça. On dit : quelque chose a passé. Est passé. S’est. Passé". Gabily le disait déjà dans ses notes de travail, après avoir traversé les Fragments forains, une manière d’approcher l’énigme büchérienne de Woyzeck, en refusant de s’en approprier l’histoire. Car il s’agit bien d’approcher, de prendre le temps, d’accorder du temps aux énergies mystérieuses qui se mettent en jeu devant nous. Ou pour nous. Ces forces qui s’éveillent ne prennent pas la forme d’un récit. Elles prennent à rebours l’histoire qu’on représente sur la scène. C’est d’ailleurs comme à l’envers d’un théâtre que nous sommes conviés, dans les spectacles du Radeau.

(…) Depuis plus de vingt ans, le Radeau n’a cessé de batailler pour ouvrir l’espace de la scène contre l’enfermement des pièces constituées. C’est ici qu’intervient l’importance du poème dans le travail de François Tanguy et de ses acteurs. Retourner le mot contre lui-même, telle est, depuis toujours, l’opération majeure qui se joue dans le poème proféré, d’Ovide à Hölderlin, de Lucrèce à Leopardi, de Kafka à Blake. Le geste théâtral ainsi retourné s’apparente aux pratiques de la fouille archéologique. En apparence rien ne se construit, et pourtant, c’est un monde entier qui revient au grand jour. Les acteurs du Radeau semblent revenir de la nuit des temps, vulnérable aux coups de ces lointaines dramaturgies dont parle Pierre Klossowski à propos de Carmelo Bene. Car c’est bien d’une bataille qu’il s’agit toujours sur la scène. Une bataille où les corps traversent les ténèbres, et cherchent la porte étroite."

Bruno Tackels, MOUVEMENT, nov-déc 2004 (extraits)